Réussir son appel d'offre pour son service client
- Thibault CONSTANS
- 22 déc. 2022
- 6 min de lecture
La maitrise budgétaire des donneurs d’ordre est mise à rude épreuve par la multitude de facteurs alimentant tant l’inflation ressentie que celle bien réelle qui affecte l’ensemble des entreprises. C’est d’autant plus vrai quand votre secteur a été laminé par le COVID.
Il est alors tentant de reporter ses soucis budgétaires sur son prestataire de relation client. Est-ce la bonne solution ?
Je vous propose à l’occasion de la diffusion d’un appel d’offre public de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel actuellement en cours (date limite le 23 janvier 2023) d’analyser ses finesses et ses lacunes. Chacun pourra s’en inspirer ou au contraire trouver des solutions alternatives en fonction de ses convictions propres.
De par mon parcours, à de très nombreuses occasions, j’ai eu l’occasion de répondre, de les rédiger ou même d’accompagner des marques dans ce subtil exercice de l’appel d’offre : l’exercice est difficile !
Rappelons en propos liminaire, que la masse salariale des agents pèse pour plus de 80% des coûts des BPO. C’est donc un enjeu clef pour l’équilibre économique de leurs contrats.
Tout d’abord se pose la question du choix de l’indice retenu pour l’indexation des prix. Durant des années le rattachement, très baroque, à la Convention collective du Syntec a engagé les acteurs à retenir ce fameux indices Syntec dans leur contrat avec leurs donneurs d’ordre. Le choix d’un indice pousse deux problématiques complémentaires. D’une part sa représentativité vis-à-vis de la masse salariale réelle du BPO. L’indice Syntec reflétant les salaires au sein des cabinets de conseil de cadre se retrouve vite un écart avec les populations salariés très majoritairement non-cadre des BPO. D’autre part, la rapidité de la disponibilité de l’indice est aussi un élément clef si celui-ci n’est connu que plusieurs mois plus tard.

Le choix de la SETE est assez symptomatique du choix de l’extrême puis cette société a retenu l’indice ICHT-TS (indice du coût horaire du travail révisé – Tous salariés) peu représentatif alors que des sous-catégories catégorielles devaient sans doute être plus proche de la réalité. Cet indice a de plus la particularité d’être calculé avec 1 an de retard (au 20 décembre 2022, seuls les chiffres de décembre 2021 sont connus) alors que ceux d’août 2022 sont déjà publiés par le SYNTEC.
Ce choix a deux conséquences. D’une part l’évolution du coût réel n’est pas pris en compte mais de plus il le sera avec retard. En l’occurrence, à vouloir être trop malin, le retard de publication fait que la SETE va subir les augmentations de 2022 en 2023. L’histoire de l’arroseur arrosé peut-être ?
Le deuxième critère concerne la période de revalorisation des prix. A partir des années 1995 ; l’inflation est restée dans notre pays très contenue à seulement 1,4% en moyenne sur la période. Choisir d’indexer son contrat annuellement avait alors tout son sens. Les 20 ans entre 1975 et 1985 et leur 10% annuels étaient bien oubliées.
Avec le retour de l’inflation pour une prévision 2022 entre 5,5% et 6%, ce modèle ne fonctionne plus. Les BPO sont astreints par la loi à la revalorisation de salaires de leurs salariés dès la publication du nouveau montant du SMIC. Attendre de 6 à 9 mois est donc intenables sauf à partir d’un prix de départ qui intègre ces hypothèses.
A ces deux conditions, et à contre-courant de la réalité économique, la SETE a choisi de d’exclure les évolutions qu’elle considère soient trop faibles puisque qu’inférieures à 1,5%, soient de les modérer en ne prenant plus en compte que la moitié de celle-ci au-delà de 4% et même cerise sur le gâteau de prévoir une baisse annuelle du prix de 1.5%. Cette proposition ne peut laisser que songeur. Toutes les sociétés rêvent effectivement d’une large visibilité de son chiffre d’affaires et d’une maitrise totale des coûts. Pourtant vouloir renier la réalité, c’est juste une politique de l’autruche donc l’entreprise sort rarement gagnante.
Cet appel d’offre a de mon point de vue des faiblesses rédhibitoires.
La première évidente est que parier sur une solution gagnant-perdant conduit bien plus souvent au perdant-perdant. C’est une particularité très française de penser que l’intérêt de son partenaire n’a aucune valeur dans le succès du partenariat. Si vous n’êtes pas prêts à accepter les conditions que vous imposez à votre prestataire pour vous-même pensez-vous réellement qu’elles soient bonnes ?
La seconde est que cette proposition arrive à contre-temps. Cela ressemble aux entreprises qui à l’été 2022 ont soudainement voulu souscrire un prix du gaz fixe à mon prix avec des contrats qu’elles méprisaient seulement quelques mois plus tôt. Le retour de l’inflation est là – vivre dans le déni n’est d’aucun recours.
La troisième enfin est qu’elle méconnait la réalité du marché français. Les prix y sont déjà plus bas que dans d’autres zones européennes et que la concentration du marché est réelle. L’exigence de ne faire répondre que des acteurs BPO ayant au moins 3 centres d’appels et avec des prestations multilingues réduit à une grosse poignée le nombre de répondants potentiels. Nous sommes passés d’un marché de l’offre des BPO à celui de la demande des donneurs d’ordre. Proposer un modèle économique décorrélé de la réalité, c’est s’exposer à une proposition tarifaire trop élevée ou à voir son appel d’offre infructueux. Pour toutes ses raisons, la plupart nouveaux des contrats entre BPO et donneur d’ordre s’appuient désormais sur le SMIC en incluant des clauses de revalorisation y compris en cours d’année.
La marque Tour Eiffel est prestigieuse, mais avec 200 appels par jour, qui va rêver de les traiter en 3 langues en y perdant de l’argent ?
Le quatrième élément est de se focaliser sur l’aspect achat en oubliant le corps même du besoin : dimensionner un centre de relation client. C’est d’autant plus surprenant que la SETE a la chance d’avoir dans ses équipes une véritable référence de la Relation Client en la personne de Florence DESERT (Directrice exploitation et de l’expérience visiteur SETE). C’est elle qui a révolutionné avec ses équipes l’expérience client chez Air France – multi-récompensée sous son impulsion - et connait toutes les gammes du pilotage d’un BPO. Elle n’a pas visiblement été consultée…
Imaginerait-on un traiteur qui accepterait d’organiser un mariage sans connaitre le nombre d’invités ni même le budget par personne ? Evidemment que non ! C’est pourtant que propose la SETE en communiquant sur des DMT variant de 75% et ne s’engageant à aucun moment sur les volumes qui seront transmis. Aucun minimum de facturation, aucune limite de volume : pourtant le BPO devra lui répondre à 90% des demandes sous astreinte d’une pénalité pouvant atteindre 5% de sa facturation.
Dernier élément enfin, est d’oublier de se donner du temps. Alors que les propositions sont attendues pour le 23 janvier, que les soutenances se tiendront le 30 et 31 janvier, la bascule chez le nouveau BPO devra se faire dès le mois de mars et au maximum au 15 avril. Tout est en place avec certitude pour un recrutement et une formation au rabais. L’urgence est rarement la voie du succès.
Un quizz de 6 questions est disponible dans le premier commentaire de ce post : er une solution totalement sécurisée économiquement perdante pour la SETE. Nous saurons en 2023 qui aura choisit de relever le défi.
Réussir son appel d’offre pour son service client
Un petit Quizz de 7 questions vous donnera une idée de votre connaissance du sujet :
Pour la plupart des entreprises, après plusieurs semaines d’un douloureux travail, les budgets 2023 remontés à la « direction » sont en cours de validation. Pour nombre d’entre-elles, un AO sera au pied du sapin pour une première externalisation ou un renouvellement du contrat.

Précisons d’abord qu’un changement de prestataire est un risque qui de plus à un coût. Perte de l’acquis, des équipes déjà formées, des coûts cachés inévitables et du coût de transition lui-même. Si la relation est bonne avec le BPO et que la qualité de prestation est présente, pourquoi ne pas envisager une négociation de gré-à-gré ? Celle-ci est trop souvent négligée alors que l’AO lui-même sera couteux pour les deux parties puisque l’énergie nécessaire est loin d’être anodine.
Si la solution de l’appel d’offre (ou RFQ pour les fan d’acronyme anglais – Request for quotation voire RFP – Request for proposal) est retenue, plusieurs questions (liste non exhaustive !) devraient naturellement se poser à vous :
Savez-vous décrire avec précision votre besoin et notamment donner les éléments utiles à une réponse de qualité ? 100.000 appels par an avec un taux de décroché de 90% c’est insuffisant…
Connaissez-vous le marché des BPO en France ? Pas celui de 2005 et de sa multitude d’acteurs mais bien celui de 2023 où les 3 leaders français sont désormais des mastodontes mondiaux aux chiffres d’affaires en milliards d’euros ; des quelques challengers crédibles ; des acteurs qui réunissant quelques tables avec un téléphone et des intérimaires font plus penser à une séquence bien connue de la ‘Vérité si je mens’ qu’un professionnel du secteur ?
Etes-vous attaché à des indicateurs que vous avez connus il y a 20 ans (une DMT et une QS), ou désormais la mesure d’une prestation de qualité est-il votre impératif ?
Quels sont les éléments de production qui doivent figurer utilement dans mon contrat avec mon BPO ?
Comment organiser la prévision de mon activité et le minium de facturation qui y sera lié ?
Quelle durée faut-il prévoir pour mon contrat ?
Si votre note au quizz est de 4 ou moins, si ces quelques pistes ci-dessus engendre plus de questions que de réponse, il est temps de nous rencontrer !
Retrouver dans l’article du magazine En contact Mag, mon analyse du RFQ public publié tout récemment par la Société d’Exploitation de la Tour Eiffel.
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